Réseaux sociaux, vérité scientifique et théories du complot : les pratiques informationnelles des jeunes
En janvier 2023, l’Institut Français d’Opinion Publique (IFOP) a publié un sondage mené auprès des 11-24 ans, sur leurs rapports aux réseaux sociaux, à l’information et à la vérité scientifique. Les résultats montrent une corrélation entre la confiance apportée dans ces plateformes pour s’informer, et l’augmentation de la portée de contre-vérités scientifiques, auxquelles les jeunes interrogés sont de plus en plus nombreux à adhérer.

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73% des 15-24 ans utilisent quotidiennement les réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram ou Twitter pour s’informer. Mais c’est un jeune sur trois qui manifeste, dans le cadre de ce sondage, avoir confiance en ces plateformes en matière d’information. Chez les utilisateurs de Tik Tok, 41% d’entre eux considèrent que leurs influenceurs favoris constituent une source d’information fiable. Les jeunes consultent également les réseaux sociaux de manière beaucoup plus importante que les médias traditionnels, et semblent délaisser ces derniers : seuls 23% déclarent regarder des journaux télévisés, support d’information “traditionnel” le plus plébiscité par les jeunes ; et ils ne sont que 10% à avoir consulté un titre de presse écrite, dans le mois ayant précédé l’enquête.
L’enquête IFOP, focalisée sur les jeunes (et réalisée par questionnaire auto-administré sur un échantillon de 2003 personnes, représentatives des 11-24 ans), montre que cette indifférence envers les médias, couplée à un usage intensif des réseaux qui deviennent, chez ces publics, une source fiable d’information, alimente un certain désintérêt des jeunes pour la science et la « vérité scientifique ». Le rapport souligne que chez les jeunes, la science et ses bienfaits sont beaucoup moins perçus positivement que par la génération précédente. L’enquête pointe également la diffusion et l’adhésion de plus en plus massives à des théories du complot et des disciplines parascientifiques : plus de deux tiers (69%) des jeunes interrogés croient à au moins une des contre-vérités scientifiques qui leur ont été présentées (parmi lesquelles la théorie… de la Terre plate). La numérologie, la cartomancie, et autres disciplines parascientifiques voient aussi leur portée prendre de l’importance : 49% des jeunes considèrent l’astrologie comme une science, soit une augmentation de 6 points par rapport à la même enquête menée en 1999.
Cela nous permet de souligner un décalage entre les jeunes et une population de seniors interrogés dans l’enquête, montrant l’aspect générationnel de la problématique ; mais aussi d’analyser différemment le baromètre annuel de la confiance envers les médias piloté par l’institut Kantar et le journal La Croix. Si d’après le baromètre (qui, une fois n’est pas coutume, voit ses indicateurs de confiance et d’intérêt pour l’actualité repartir à la hausse), il est démontré dans ce sondage que les réseaux sociaux n’inspirent pas confiance aux Français de façon générale en matière d’information. Ce rapport met tout de même lui aussi en évidence que, parmi les 36% des répondants qui ont déclaré utiliser les réseaux sociaux pour s’informer, 55% d’entre eux ont moins de 35 ans. L’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes, associée à leur désintéressement des médias traditionnels, semble en réalité causer, ou du moins soutenir une montée du complotisme et des contre-vérités scientifiques dans le débat public… en même temps que la science et “ses vérités” paraissent, elles aussi, de moins en moins consensuelles.
par Alexia CAPPUCCIO
IMSIC Aix Marseille Univ., Université de Toulon, IMSIC, Marseille, France
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
alexiacappuccio (19 février 2023). Réseaux sociaux, vérité scientifique et théories du complot : les pratiques informationnelles des jeunes. Public(s) ISSN 2553-5722. Consulté le 23 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/t29o